Introduction

Lorsque vous envisagez de démarrer une activité en Suisse, deux options principales s’offrent à vous : créer une raison individuelle (activité indépendante) ou constituer une société (personne morale). Ces deux formes juridiques présentent des caractéristiques distinctes, notamment en termes de responsabilités, d’imposition fiscale et de formalités administratives. Dans cet article, nous allons passer en revue ces différences, en mettant l’accent sur la fiscalité vaudoise.

Face à la complexité de ce choix, où de multiples facteurs entrent en jeu, nous avons conçu une infographie pour vous aider à visualiser clairement ces différents paramètres et faciliter votre prise de décision.

 

Raisons Individuelles (Activité Indépendante)

La raison individuelle est la forme juridique la plus simple et la plus courante pour démarrer une activité. Elle est souvent choisie par les indépendants, les entrepreneurs en nom propre ou les freelancers. Voici les principaux aspects de la raison individuelle :

Formalités Administratives : Les formalités pour créer une raison individuelle sont relativement simples et peu coûteuses. Il suffit de s’inscrire auprès de la caisse AVS, ce qui crée la qualification d’indépendant. L’AVS peut exiger des justificatifs pour confirmer cette activité indépendante, notamment les contrats clients (signés ou prévus). L’inscription au Registre du Commerce peut être obligatoire (selon l’activité et si le chiffre d’affaires dépasse CHF 100’000.-).

Impôt sur le Revenu : Dans le cas d’une raison individuelle, les bénéfices réalisés par l’entreprise sont ajoutés aux revenus personnels du propriétaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Ainsi, si votre revenu varie considérablement d’une année à l’autre, vous devrez également anticiper des variations importantes de l’impôt sur le revenu et des cotisations à l’AVS.

Responsabilité : En tant que propriétaire unique de la raison individuelle, vous êtes personnellement responsable des dettes et des obligations de l’entreprise. Votre responsabilité n’est pas limitée aux actifs de l’entreprise, ce qui signifie que votre patrimoine personnel peut être engagé en cas de difficultés financières.

Retrait LPP : Une particularité de la raison individuelle est la possibilité pour l’entrepreneur de retirer son deuxième pilier pour financer le démarrage de son activité. Cependant, un retrait partiel n’est pas autorisé, et le montant retiré doit être investi effectivement dans l’entreprise, sur une durée minimale. Ce retrait est soumis à l’impôt sur les prestations en capital.

Fortune Commerciale : Les actifs utilisés pour l’activité indépendante sont intégrés dans la fortune commerciale. Par conséquent, les gains en capital (en cas de vente) deviennent imposables. Ces biens peuvent être inscrits au bilan de l’activité et être amortis sur plusieurs années.

Cessation d’activité ou vente de l’entreprise : Lorsque les actifs commerciaux ont une valeur comptable inférieure à leur valeur de marché, cela génère ce que l’on appelle des réserves latentes. Ces réserves, de même que tout éventuel goodwill en cas de vente à un tiers, seront imposées comme revenu de l’entrepreneur. Cette imposition peut être réduite (par le biais d’un rachat effectif ou fictif de LPP, ou par une imposition distincte du bénéfice de liquidation) ou même annulée (en transformant l’entreprise en société au moins 5 ans avant le transfert). Attention : de telles stratégies nécessitent une planification préalable méticuleuse. Ces éléments sont également à prendre en compte pour des questions de planification successorale.

Imposition au lieu d’activité : Les entrepreneurs sont imposés au lieu de l’activité et non au lieu de leur domicile. En cas de différence importante dans les taux d’imposition (cantonaux et/ou communaux), cela peut avoir une incidence fiscale non négligeable.

En cas de forte variation du revenu de l’activité, il est crucial de demander au plus vite une modification des acomptes d’impôt et d’AVS pour éviter de mauvaises surprises et des intérêts moratoires.

Prévoyance et assurances : Le système suisse de prévoyance professionnelle et d’assurance est principalement conçu pour les employés. Par conséquent, les entrepreneurs indépendants doivent accorder une attention particulière à leur couverture, tant en ce qui concerne l’épargne que les risques. Contrairement aux employés, les entrepreneurs ne sont pas tenus de cotiser à la LPP. S’ils y renoncent, ils peuvent bénéficier de déductions fiscales plus importantes dans le 3ème pilier. Attention en tous les cas à couvrir les risques de perte de gain.

Sociétés (Personnes Morales) 

Une société est une entité juridique distincte de ses fondateurs, ce qui signifie qu’elle possède ses propres droits et obligations (personnalité juridique). L’entrepreneur devient ainsi l’employé de sa société, il perçoit un salaire, cotise aux assurances sociales et peut prétendre à un dividende sur le bénéfice résiduel de la société.

Responsabilité : La responsabilité des actionnaires ou associés est limitée au capital social investi dans la société. Leur patrimoine personnel n’est généralement pas engagé en cas de faillite ou de dettes de l’entreprise (sauf en cas d’abus, de fraude ou de manquement des administrateurs).

Impôt sur le Bénéfice (et sur le Capital) : Les sociétés sont soumises à l’impôt sur le bénéfice et sur le capital au taux fixe applicable dans le canton où elles sont établies. Les actionnaires ou associés ne sont pas imposés directement sur les bénéfices de la société, mais sur le salaire et sur les dividendes qu’ils perçoivent. Le taux d’imposition des sociétés étant généralement inférieur à celui des personnes physiques, les fluctuations de revenus sont moins impactantes. En cas de pertes, celles-ci sont reportables durant 7 ans sur les bénéfices futurs.

Imposition privilégiée des dividendes : Les dividendes sont imposés uniquement à hauteur de 70% si l’actionnaire détient plus de 10% de la société. Cela peut permettre de casser la progressivité de l’impôt sur le revenu des actionnaires.

Formalités Administratives : La création d’une société implique des formalités plus complexes et coûteuses que celles d’une raison individuelle. Sa constitution se fait en forme authentique, ce qui signifie que vous devrez recourir à un notaire. Vous devrez fournir des informations telles que

  • La raison sociale, le siège et le but de la société
  • Le montant du capital social et les contributions de chaque actionnaires/associés
  • Le nombre, la valeur nominale, et l’espèce des actions/parts sociales
  • Le type de convocation de l’assemblée et le droit de vote des actionnaires
  • Les organes chargés de l’administration /avec leurs modes de signature) et de la révision
  • La forme des publications de la société

Le montant du capital doit être déposé auprès d’une banque pendant la constitution de la société. Les sociétés nécessitent un capital minimal, de CHF 20’000.- pour les Sàrl et de CHF 100’000.- pour les SA (pour les SA, une libération partielle de la moitié du capital est admise). Il est également possible de constituer une société par apport en nature (apport d’actifs ou transformation d’une raison individuelle), ce qui nécessite d’autres formalités.

Impôt sur la Fortune : Les actions (pour les SA) ou les parts sociales (pour les Sàrl) sont évaluées chaque année par l’administration fiscale. Dans le canton de Vaud, cette évaluation se base sur les fonds propres de la société (valeur substantielle, pondération : 1/3) et sur le bénéfice de la société capitalisé (valeur de rendement, pondération : 2/3). En cas d’accumulation de bénéfices dans la société, la valeur de l’entreprise peut augmenter, entraînant une augmentation notable de l’impôt sur la fortune.

Vente de la société : Il est relativement simple de vendre les actions d’une SA ou les parts sociales d’une Sàrl par un contrat privé entre les parties. En général, aucune imposition n’intervient lors de la vente des actions (des exceptions existent pour les sociétés immobilières, celles avec un excès de liquidités, ou d’autres cas particuliers).

Gestion et structure : Une SA est tenue de nommer un conseil d’administration chargé de prendre les décisions clés et de superviser la direction de l’entreprise. Cette structure de gouvernance peut apporter une certaine stabilité et une répartition claire des responsabilités au sein de l’entreprise. Cependant, elle peut également entraîner des processus décisionnels plus complexes et une gestion plus formalisée, ce qui peut ne pas convenir à toutes les entreprises, en particulier aux plus petites ou aux startups.

Accès au capital : Les sociétés (et notamment les SA) bénéficient généralement d’une meilleure image et d’une plus grande crédibilité, en grande partie grâce à la distinction claire entre les patrimoines privés et professionnels. En outre, en raison de leurs obligations organisationnelles et comptables plus strictes, ainsi que de leur flexibilité accrue en matière de financement (possibilité d’apports supplémentaires, levées de fonds, intégration de nouveaux partenaires, etc.), les SA ont souvent un accès facilité aux capitaux étrangers.

Comptabilité et obligations : Les sociétés sont assujetties à des exigences plus strictes que les raisons individuelles. Elles doivent publier une annexe aux comptes et nommer un organe de contrôle si elles comptent plus de 10 employés. De plus, elles sont tenues de maintenir à jour le registre des actionnaires et de convoquer régulièrement des assemblées générales, notamment pour approuver les comptes dans les six mois suivant la clôture de l’exercice. Ces entreprises sont également sujettes à diverses obligations légales et fiscales, notamment en cas de modification des statuts, de distribution de dividendes ou d’augmentation de capital.

Différence entre Sàrl et SA : Outre le capital nécessaire à la constitution, la SA se distingue de la Sàrl notamment par son caractère anonyme. La liste des actionnaires n’est donc pas publique, contrairement aux associés de la Sàrl dont les noms sont rendus publics par le Registre du Commerce.

Éléments communs aux deux structures

TVA : Le propriétaire d’une raison individuelle ou d’une société peut être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) s’il dépasse le seuil de chiffre d’affaires requis pour l’inscription à la TVA (généralement : 100’000.-). Aucune distinction n’est faite selon la forme juridique.

Chômage : les entreprises individuelles ne cotisent pas au chômage et n’ont pas de droit aux indemnités. Les propriétaires de SA/Sàrl cotisent au chômage, mais ne peuvent prétendre aux indemnités que si l’entreprise est en faillite, radiée ou vendue et que l’actionnaire n’a plus de position assimilable à celle de l’employeur.

Nombre d’associés : si vous souhaitez exercer votre activité à plusieurs, vous pouvez choisir une société ou organiser votre activité indépendante sous forme de SNC. Dans les deux cas, nous conseillons vivement de clarifier les clauses d’entrée et de sortie dès le début de l’activité, et de rédiger un contrat ou une convention d’actionnaire.

Conclusion

En conclusion, le choix entre une raison individuelle et une société dépend de divers facteurs, tels que la nature de l’activité, les risques impliqués, la responsabilité souhaitée, les revenus attendus et les objectifs fiscaux. En fonction de votre situation personnelle et professionnelle, nous serons ravis de vous accompagner dans cette réflexion.

 

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